Journée de la femme - Le cœur a ses raisons
Photo Armand FLOHR
Le cœur des femmesÀ l’occasion de la Journée de la Femme, aujourd’hui, nous avons rencontré la cardiologue thionvilloise Marie-Paule Houppe-Nousse (photo). Laquelle nous rappelle que contrairement aux idées reçues, la première cause du décès des femmes en Europe n’est pas le cancer du sein mais bien la maladie cardiovasculaire. Tabac, stress, cholestérol, hypertension et surpoids en sont les principales raisons. Et la Moselle-Nord est loin d’être épargnée. « Une prise de conscience est nécessaire », prévient la spécialiste.
« Passé 35 ans, on ne devrait plus prescrire la pilule à une femme qui fume », estime le Dr Marie-Paule Houppe-Nousse - Photo Armand FLOHR
À l’occasion de la Journée de la femme, le Dr Marie-Paule Houppe-Nousse, cardiologue à Thionville, revient pour nous sur la maladie cardiovasculaire, première cause de mortalité chez les femmes en Europe.
Qu’entend-on sous le terme maladie cardiovasculaire ?
Dr Marie-Paule HOUPPE-NOUSSE : « C’est avant tout la maladie coronaire avec l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral (AVC) qui peuvent survenir sur une artère saine ou malade. »
Les maladies cardiovasculaires sont désormais au deuxième rang des causes de mortalité en France, derrière le cancer. Bonne nouvelle, non ?
« Oui mais cette excellente nouvelle ne doit cependant pas occulter un fait important : la maladie cardiovasculaire est la première cause de mortalité chez les femmes après la ménopause et son incidence augmente chez les femmes jeunes. »
Ce n’est pas l’idée partagée par le public…
« Et même nombre de médecins ! Interrogez une femme sur la première cause de décès des femmes : elle répondra le cancer et précisera le cancer du sein. Or ce sont les maladies cardiovasculaires qui sont responsables de 42 % des décès de femmes en Europe et les cancers de 27 %. Une femme sur 8 a un cancer du sein et en guérit dans 50 % des cas avec les traitements actuels, alors que l’infarctus tue en Europe 18 % des femmes, soit une femme toutes les six minutes et l’AVC 14 %. Et surtout de plus en plus de jeunes femmes meurent d’infarctus, surtout à cause du tabac : c’était 4 % en 1995, c’est aujourd’hui 11 % en France. »
Quelles en sont les raisons ?
« Les modifications sociétales en sont probablement la cause première : nombre de femmes ont adopté un mode de vie stressant ; elles travaillent la nuit, ont parfois des professions à haute responsabilité ou au contraire plus souvent un statut socioprofessionnel inférieur à celui des hommes, assurent de front une profession et la gestion de la vie familiale (enfants, maison, aide aux parents), ont des comportements à risque : elles fument et consomment de l’alcool. »
Sont-elles sous diagnostiquées ?
« Je le pense même si c’est mieux qu’il y a trente ans. Il faut savoir que l’infarctus chez l’homme et la femme n’est pas la même chose cliniquement. Les symptômes ne sont pas les mêmes. Chez l’homme ce sont des douleurs à la poitrine irradiant vers le bras ou la mâchoire. Chez la femme, les symptômes sont plus atypiques : palpitations, essoufflements, malaises voire fatigue inhabituelle. Ce qui les incite à temporiser et ne pas avoir le recul nécessaire pour appeler le Samu. Au lieu d’appeler les urgences, elles vont chez leur médecin de famille le lendemain. Une grave erreur car cela retarde la prise en charge et le diagnostic. Une fois un certain délai dépassé, on ne peut plus utiliser les techniques de désobstruction de l’artère par angioplastie (débouchage mécanique de la coronaire) ou par thrombolyse (utilisation de médicaments qui détruisent le caillot). Le même constat est fait pour la prise en charge de l’AVC. »
Que préconisez-vous pour lutter contre cette maladie ?
« Il convient de traquer les facteurs de risque. Et en premier lieu le tabac. Les femmes fument autant que les hommes et arrivent moins facilement à arrêter. Le premier argument, c’est "je vais prendre du poids". En règle générale, c’est deux kilos… Sans oublier l’association avec la pilule. Selon moi, passé 35 ans, on ne devrait plus prescrire la pilule à une femme qui fume. Le tabac réussit à modifier, par le monoxyde de carbone, les constantes du sang sur des artères aussi lisses que les fesses d’un bébé. Les autres facteurs à risque sont également connus : l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, le stress et le surpoids. Si nous voulons diminuer le risque cardiovasculaire des femmes, une prise de conscience est nécessaire : prise de conscience des médecins qui minimisent le risque cardiovasculaire des femmes, ce qui ne permet pas à celles¬-ci une prise en charge optimale de la prévention et de la maladie cardiovasculaire ; prise de conscience des femmes elles-mêmes qui, si elles connaissent mieux leurs facteurs de risque, pourront infléchir la tendance et plaider pour un meilleur accès au diagnostic et aux soins. »
Pour conclure ?
« Un mot d’ordre pour nous les femmes : pas de tabac, une activité physique régulière, une alimentation saine et adaptée aux besoins, l’observance aux traitements quand ils nous sont prescrits, et de la joie de vivre… Autant d’atouts qui amélioreront notre qualité de vie. »
Propos recueillis par Olivier MENU