Santé : le dispositif de soutien bientôt dans toute la lorraine - Sophia arrive pour épauler les diabétiques - Par Julien BENETEAU - Photo Dominique STEINMETZ
Marlène Escalier, Patrick Albertus et Gisèle Cogoi contribuent à l’information des diabétiques au sein de Dianolor. Photo Dominique STEINMETZ
À travers « sophia », l’Assurance-maladie de Moselle met en place de l’accompagnement personnalisé pour les diabétiques de type 2, le plus fréquent. Ces malades sont de plus en plus nombreux.
"C’est une drôle de maladie, parce qu’on n’a pas de douleur."
DOSSIER
L’homme qui parle est installé dans une salle fraîchement rénovée de l’hôpital de Bel-Air, à Thionville. Dans l’établissement, il a fait de l’éducation thérapeutique : il lui fallait apprendre à mieux gérer la maladie. Il achève une semaine de présence, tout comme un jeune malade de 27 ans. Ce dernier sait qu’il est atteint depuis quatre ans. « Au début, on ne fait pas attention. Je ne m’en occupais pas », constate-t-il.
Le pâtissier ne prend pas de traitement et s’investit dans son travail. Mais le stress l’oblige à se remettre en question. « J’étais tout le temps fatigué, une fatigue anormale », raconte encore ce jeune homme. Il reconnaît que cela fait six mois qu’il repoussait l’idée d’une cure d’amaigrissement.
Le jeune homme sait maintenant qu’il va devoir faire avec la maladie. L’ignorer risque de le conduire vers de graves complications. Pour des malades comme lui, la mise en place d’un dispositif, « sophia », devrait être un plus (lire ci-dessous). Car accompagnement est le maître mot du diabète. « La prise en charge de la maladie permet d’éviter les complications », appuie Marlène Escalier. L’infirmière du service de diabétologie à l’hôpital Bel-Air préside l’association Dianolor, l’association des diabétiques de Lorraine Nord. Celle-ci regroupe trois cents membres et s’attache à renseigner et soutenir les malades.
« Chaque année, certains examens médicaux s’imposent, poursuit Marlène Escalier : aller voir un cardiologue, un ophtalmologiste, faire une prise de sang. » Le but de ce bilan complet est de s’assurer que la maladie, silencieuse, ne commence pas à poser des complications.
Alimentation équilibrée
« Plus de la moitié des examens ne sont pas faits, regrette Patrick Albertus, 63 ans, un des membres de Dianolor. Ce sont des choses auxquelles nous avons droit. » Lui a commencé son diabète « tout doucement », en 1990. Sportif, attentif à son alimentation, il savait pourtant, avec un père diabétique, que cela arriverait. « Un jour, ça tombe. »
« On a beau prévoir, la maladie finit toujours par se déclarer », approuve Gisèle Cogoi, 67 ans, malade depuis 1980. Patrick Albertus a pris soin de lui, ce qui a retardé le passage à l’insuline, d’abord en piqûre, ensuite en pompe. Gisèle Cogoi a dû y passer. Mais avec le recul, elle considère qu’il y a moins de choses interdites maintenant que lorsqu’elle a découvert son diabète.
« On ne parle plus de régime, mais d’alimentation équilibrée, se réjouit la sexagénaire. Nous appliquons les règles que tout le monde devrait suivre, même en bonne santé ! »
Parmi le groupe de patients suivis la semaine dernière, l’un d’eux, conscient de sa maladie, a eu beau faire attention, il a été rattrapé. « Avec mon métier de conducteur de travaux , raconte cet homme de 58 ans, je suis tout le temps en déplacement. Je me levais tôt, sans pouvoir faire d’activité physique, je mangeais une fois sur deux. »
Il a atteint la cote d’alerte. Il a fait un régime drastique. « Je suis passé à deux doigts de l’insuline. Ce ne sera pas pour cette fois. » Il repartira regonflé, avec ce signal en tête, la nécessité de faire attention. L’insuline ne sera pas pour cette fois, même s’il faudra bien y passer un jour.
Julien BÉNÉTEAU
Mieux soutenu, mieux soigné
Motiver, motiver ! L’assurance-maladie de Moselle lance un soutien supplémentaire à destination des patients. Appelé « sophia », sans majuscule, ce service concerne environ 40 000 personnes en Moselle, celles qui sont remboursées à 100 % pour un diabète de type 2. Une partie d’entre elles, soit 34 000 dépendant de la CPAM, doit recevoir un courrier ces jours-ci pour les informer de l’existence de ce service.
L’intérêt principal de sophia est un accompagnement téléphonique proposé par des infirmières. Le diabétique peut les appeler, mais elles peuvent aussi le contacter en fonction de leur connaissance du dossier. Les volontaires qui rejoignent sophia remplissent un questionnaire médical. Des informations supplémentaires sont fournies par le médecin traitant. Les infirmières sont en mesure de fournir des conseils, parfois de les suggérer d’elles-mêmes. Il s’agit de faire parler le patient de sa maladie.
Le service sophia , lancé il y a trois ans, est déjà en place dans onze départements. Malgré le faible recul dans le temps pour une évaluation correcte, les participants semblent montrer une meilleure adhésion à leur traitement. « Les examens reviennent un peu meilleurs », observe Emmanuelle Lafoux, directrice de la caisse primaire d’assurance-maladie de Moselle.
« À partir du moment où il y a accompagnement, le risque de complication diminue », appuie le Dr Pierre Cuny, chef du service diabétologie au centre hospitalier de Metz-Thionville. « Il faut une motivation permanente », confirme son confrère Jacques Louis, chef du service diabétologie aux hôpitaux privés de Metz. « Le suivi d’un malade est ce qu’il nous faut optimiser », ajoute, pour sa part, le Dr Marie-Christine Helfgott, chef du service médical à l’assurance-maladie. L’organisme y a tout intérêt : les complications des diabètes de type 2 ont un coût plus important que celui de la maladie elle-même.
Le mécanisme fonctionne déjà pour la Meurthe-et-Moselle et la Meuse. Moselle et Vosges démarrent en ce début 2013. À plus long terme, il sera étendu à d’autres maladies chroniques, comme l’asthme.
Julien BÉNÉTEAU
Une maladie méconnue mais dangereuse
• Le diabète de type 2 est le plus fréquent (90 % des cas). Héréditaire, il apparaît à l’âge adulte et est favorisé par le surpoids et un mode de vie sans exercice physique. « Il y a une surapparition du diabète en Lorraine, constate le docteur Pierre Cuny, chef de Diabétologie au CHR de Metz-Thionville. Un Lorrain sur deux est en surpoids et 17 % de la population est obèse. » Environ 80 000 personnes sont atteintes de diabète de type 2 en Lorraine.
• Dépistage. Si un membre de la famille a déjà eu du diabète, mieux vaut tester régulièrement le taux de sucre dans le sang. L’apparition d’une « bedaine » (un tour de taille supérieur à 100 cm chez l’homme, 88 chez la femme), l’accouchement d’un bébé supérieur à 4 kg, des infections génitales récidivantes amènent aussi à se faire dépister.
• La maladie, chronique, ne se guérit pas après son apparition. Mais son développement et ses conséquences peuvent être limités par un soin apporté à son alimentation et de l’exercice physique.
• Conséquences. La présence plus importante de sucre dans le sang rend le sang moins fluide. Les petites artères se bouchent. Cela amène par exemple les reins à ne plus fonctionner, entraînant des dialyses. Un malade atteint d’un diabète de type 2 peut aussi devenir aveugle ou être amputé. En France, chaque année dix mille amputations ont lieu. Le diabète concourt à la mortalité cardiovasculaire. Dans le nord de la Lorraine, souligne le Dr Cuny, il y a même une surmortalité. Là aussi, les mauvaises conditions de vie et la paupérisation jouent un rôle amplificateur.