"Faux" coma

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Bubu
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"Faux" coma

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"FAUX" COMA

ou encore LETTRE A Mme Saada Gisèle SEBAOUI - Le Républicain-Lorrain


Chère Saada-Gisèle,

Ce jour, je lis dans le journal, à propos de ce monsieur belge, pendant 23 ans dans le « coma », entre autre, que : « …une étude met en évidence le fait que 40 % des personnes que l’on pensait en état végétatif ont en fait conscience de leur environnement et d’eux-mêmes à des degrés divers »

Personnellement, je n’ai eu besoin de personne, et d’aucun neurologue, pour me rendre compte que mon époux, qui semblait depuis 1999 dans un coma végétatif, percevait parfaitement bien ce qui l’entourait…

Je l’ai soigné à la maison pendant 22 ans. Tout d’abord aveugle, il fut peu à peu atteint de la maladie rare et incurable dénommée paralysie supranucléaire progressive. J’ai lutté de toutes mes forces, et souvent envers et contre tout, pour lui maintenir la meilleure qualité de vie possible. Ces yeux ne bougeaient plus, ses traits étaient totalement figés, ses paupières ne battaient que par réflexe, et son alimentation s’effectuait par sonde gastrique, à travers un trou fait dans l’abdomen.

Cette maladie le figea dans une position de mort-vivant.

Il ne percevait l’extérieur que par l’ouïe et le contact avec nos mains. De longues années, rien dans ma voix et mes paroles ne lui ont laissé supposer la gravité de son état et mes tristes états d’âme… Je lui affirmais souvent : « Tu vas voir, Papy, comme on va y arriver, tous les deux ! »
Je lui affirmais tous les jours : « Tant qu’on est à deux, Papy, il ne faut jamais se plaindre ! C’est seulement quand on est seul qu’on en a le droit ! » (Aujourd’hui, j’en ai donc le droit, puisqu’il m’a quitté, par la force du destin, en avril 2008 !)

Je crois qu’à propos de ses sentiments et sensations, je percevais les ondes que son corps émettait. Nous nous relayions parfois à trois personnes pour le raser les matins. Il n’aimait pas, lorsque l’une d’elles (pas assez douce) le faisait. Par contre il aimait beaucoup que Corinne et moi le rasions. Je ne saurais pas du tout vous dire exactement à quoi je le remarquais. Peut-être à sa respiration apaisée ? A ses traits particulièrement figés lorsque c’était le tour de Melle A !? Dès qu’il était fatigué d’une certaine position, je le sentais. Un jour, allongé dans le fauteuil du Dr Truchetet, dermatologue, (où les ambulanciers l’avaient amenés, placé sur un brancard) il devait subir l’ablation d’un bouton devenu cancéreux, près de l’œil. Il n’y avait qu’une légère anesthésie locale, et le docteur me demanda : « Comment vais-je savoir si je lui fais mal !? » Car, en effet, mon époux eut été incapable de grogner, ou toussoter, ou tressauter d’aucune façon par rapport à la douleur… Je répondis au docteur : « découvrez un peu le champ opératoire au niveau de l’intersection des sourcils. » Ce fut fait. Je tenais la main de mon mari, et je vis qu’il n’eut pas mal !

Donc, Madame Saada-Gisèle, l’observation d’une femme aimante, elle vaut bien l’affirmation d’un neurologue !

J’ai écrit un livre paru en 2004, « Non, Docteur, je ne me résigne pas ! » et j’essaye, quand Noël approche, pour me consoler de la perte cruelle de mon mari devenu mon pauvre enfant, de remettre, un peu, ce livre en vente.

Alors, je profite de ce « faux » coma aujourd’hui d’actualité dans le journal, pour m’adresser à vous, si sensible, que j’ai appris à connaître lors de l’une de nos réunions de l’association Cancer-Espoir : une personne que vous deviez interviewer nous avait fait faux bond – je me suis retrouvée dans un état de colère et surtout de confusion indescriptible, et grâce à votre gentillesse et compréhension, nous avions tous terminé cette réunion dans le rire général !! (Mon époux était encore présent…juste dans la chambre à côté… !)

Pourriez-vous, chère Saada-Gisèle, faire à ce propos quelque chose pour moi !?

Avec le très bon souvenir que je conserve de vous.

SIMONE SCHLITTER
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